Séminaires LLR

Les réseaux sociaux au cœur de l’histoire culturelle européenne à l’aube de l’agriculture il y a 8000 ans

par Solange Rigaud ( PACEA (CNRS / Université de Bordeaux))

Europe/Paris
Salle de Conférence 05-2021 (LLR)

Salle de Conférence 05-2021

LLR

Description

La révolution néolithique représente le processus par lequel des groupes humains sont passés de la chasse et la cueillette de ressources sauvages à une économie de production alimentaire basée sur les plantes et les animaux domestiqués. Les raisons de cette transformation, qui s’est produite indépendamment et à des moments différents selon les régions du monde, sont largement débattues. Les causes proposées pour expliquer l’adoption de l’agriculture et de l’élevage incluent les changements climatiques, la coévolution homme-plante, des variations démographiques, les conflits, les inégalités sociales, ou une combinaison de ces facteurs. Cette révolution a contribué à créer les bases économiques et sociales sur lesquelles reposent nos sociétés actuelles, incluant notamment la production alimentaire diversifiée, le stockage, la sédentarité, le travail spécialisé, la complexité sociale et les institutions étatiques.

Dans le Croissant fertile, l'agriculture, l'élevage et la sédentarité se sont progressivement développés il y a 12 000 ans. À partir de là, les technologies agricoles ont diffusé en Europe. Plusieurs modèles supposent des variations régionales importantes dans le processus de dispersion de l'agriculture en Europe, combinant des diffusions démographiques de différentes ampleurs de groupes proche-orientaux et des transmissions culturelles et de savoir-faire entre les populations agricoles proche-orientales entrantes et les chasseurs-cueilleurs locaux.

Pour étudier les réseaux d’interaction établis entre ces groupes j’applique des méthodes de Biologie évolutive à l’étude de la culture matérielle des communautés préhistoriques. L’étude de l’évolution culturelle selon cette approche prédit que l’émergence, la persistance et la perte de traits culturels à travers le temps sont impactés par des processus de sélection, de mélange et de dérive.

En appliquant ces méthodes à une large base de données des objets de parure portés par les derniers chasseurs-cueilleurs et les premiers agriculteurs en Europe, j’identifie les multiples échelles d’interactions et de communications.

La circulation des objets de parures a contribué à tisser et maintenir des liens étendus sur le territoire et persistant à travers le temps. Cette stabilité dans les contacts a permis la circulation d’informations sociales, techniques et économiques indispensables à l’accès à de nouvelles terres arables dont certaines étaient déjà occupées par les communautés de chasseurs-cueilleurs. La présence de chasseurs-cueilleurs européens, qui ont vu l’arrivée de ces communautés agricoles originaires du Proche-Orient et qui ont établi des contacts géographiquement discontinus mais répétés avec ces nouvelles communautés, a conditionné le développement différentiel des réseaux d’interactions.

En définitive, à l’heure où nos sociétés voient le développement massif des réseaux de contacts virtuels, cette étude démontre l’importance de la création et du maintien des réseaux sociaux dans l’histoire évolutive de l’Homme.